Vendredi dernier à Monde à l’enversDany Laferrière a prononcé le titre de son premier livre Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer.
Heureusement, c’est arrivé à TVA.
Car si l’émission avait été en direct sur Radio-Canada, Stéphan Bureau aurait dû :
- empêcher par tous les moyens Dany Laferrière de répéter le mot N;
- s’excuser auprès du public dès que son invité prononce le mot N et…
- lorsque le segment a été rejoué, la vidéo aurait été purgée du mot N.
Oui, selon les nouvelles règles de Radio-Canada, la petite police de la langue doit lâcher le savon pour nettoyer la bouche des délinquants.
1984 OU 2022 ?
Voici Boris Proulx de Devoir qui nous a dit hier que Radio-Canada avait rendu publiques ses Lignes directrices sur le langage offensant, suite à une demande en ce sens du CRTC.
Voici l’extrait qui m’a fait sauter au plafond : « En cas de diffusion inattendue et injustifiable d’un langage offensant par un invité lors de la diffusion en direct, l’animateur ou le journaliste agit de manière à réduire le risque que l’invité répète des propos offensants remarques lors de l’entrevue et s’excuse auprès de l’auditoire s’il le juge nécessaire dans le cadre de l’émission. Tout langage offensant dont la rediffusion n’a aucune justification éditoriale doit être retiré si l’entrevue est rediffusée ou rendue disponible sur demande sur les plateformes de CBC/Radio-Canada.
Et quels sont ces mots offensants ? La liste est à la fois très longue, très large… et très vague… « Langage offensant » fait référence à un langage abusif, dégradant ou indûment discriminatoire, stéréotypé ou négatif en ce qui concerne la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, religion, âge, sexe, orientation sexuelle, état civil ou handicap physique ou mental ». (Qu’est-ce que l’état matrimonial a à voir avec cela?).
Radio-Canada a également statué que des « avertissements » ou des « avis d’audience » pourraient être requis avant la diffusion de segments jugés offensants, afin d’en « atténuer l’impact ».
Misère : quelle folie, quelle police moralisatrice !
Sur le site de Radio-Canada, on apprend aussi que le diffuseur doit se conformer aux règles de l’ACR (Association canadienne des radiodiffuseurs) qui interdit : « de tourner indûment en dérision les mythes, traditions ou pratiques de certains groupes en raison de leur race, de leur origine nationale ou ethnique , couleur, religion, âge, sexe, orientation sexuelle, état matrimonial ou handicap physique ou mental ».
Ne peut-on plus critiquer les pratiques religieuses ? Ou les mythes rétrogrades de certaines communautés ? Ne peut-on plus remettre en cause les idéologies extrêmes de certaines minorités ?
QUI DECIDERA ?
L’un des intellectuels que j’admire le plus, le regretté Christopher Hitchens, a un jour donné une conférence dans laquelle il a posé une question fondamentale : « À qui donnez-vous le droit de décider quel discours est offensant et qui est un orateur offensant ? ? (.. .) A qui allez-vous déléguer le droit de décider pour vous de ce que vous pouvez lire, à qui allez-vous déléguer le droit de décider pour vous de ce que vous pouvez entendre ? »
Ma réponse à la question de Hitchens : Je n’accorde pas à Radio-Canada, CRTC ou CAB le droit de décider ce que je peux lire et entendre.
Source : www.journaldemontreal.com